Personne n’aime attendre en milieu urbain. C’est là le premier constat qui a motivé l’élaboration du projet « folies passagères ».
Ce qui peut être apprécié est le potentiel du temps offert par cette attente. Ainsi, les gens qui se disent aimer attendre, ou en jamais attendre, sont des personnes qui arrivent à rentabiliser l’attente en la remplaçant par une autre activité. Ainsi, 3 minutes d’attente deviennent 3 minutes de lecture ou de repos. Dans ce cas l’attente est fuite, ainsi que la gène qu’elle occasionne. C’est cette fuite qui nous a intéressée. En effet, la fuite de l’attente publique se fait généralement par le biais d’outils, outils tel que la lecture ou la plateforme numérique.
Ces objets font donc office de sauvetage social dans la mesure où ils nous déculpabilisent de ne rien faire et de subir un rythme imposé par « le système » qui nous dépasse.
L’objet manipulé devient donc présence fictive et prétexte occupationnel. Il fait aussi office de portail à l’anticipation et de support à des stimulations conscientes ou inconscientes. D’ailleurs, il est habituel, lorsqu’on attend, de lire tout ce qui nous passe devant les yeux et de manipuler tout ce qui nous passe par la main. Ces réflexes nous permettent de trouver une consistance et de justifier au reste du monde qu’une occupation quelconque nous accompagne. Les objets intelligents, comme le téléphone portable, arrivent le plus souvent à remplir le vide et occuper les mains et l’esprit.
Après ce constat, nous nous sommes demandées si des palliatifs« moins intelligents » étaient également capables de nous faire patienter. Nous nous sommes mises d’accord sur le fait que ce ne sont pas les objets en eux même qui nous divertissent, mais plutôt les manipulations qu’ils permettent. Par exemple, la bouteille d’eau en elle même ne suffit pas à nous divertir, c’est les gestes qui l’épuisent qui nous occupent. L’action de rotation répétitive du bouchon, le bruit du plastique qui s’écrase, l’évolution de la destruction de son emballage etc. C’est ainsi que, pour aller plus loin, nous nous sommes concentrées sur d’autres objets, plus complexes, qui offrent des manipulations plus exacerbées, en somme, jubilatoire.
On a répertorié sept objets qui ont chacun des facultés distrayantes spécifiques: Le papier bulle à éclater, les peintures gouache et acrylique à gratter, les affiches à déchirer, les gobelets à écraser, le tricot à défaire et
enfin la mousse de peluche à effilocher.
Par ailleurs, il était convenu que le projet ne serait en aucun cas didactique. En effet, à aucun moment la participation serait « forcée » par une instruction quelconque. Cela nous paraissait plus cohérent dans la mesure ou la manie se dit et se veut réflexive et intuitive.
« Folies passagères » serait mis en scène dans l’espace public, et plus spécifiquement sur un lieux d’attente : La cabine d’autobus de la sortie du métro Saint Laurent. L’idée est de recouvrir totalement la cabine de nos revêtements maniaques et de laisser les utilisateurs l’épuiser en détruisant graduellement l’installation pendant qu’ils attendent le bus.
De plus, le contexte du projet est particulier dans la mesure où nos sept installations seraient présentes pendant les sept jours de la semaine nationale de la santé mentale (du 5 au 11 mai 2014). Le projet se veut être la thérapie collective des maniaques anonymes. L’attente publique pourrait ainsi rassembler les patients et impatients autour d’un défaut commun qui est le défoulement compulsif.